Recherche végétal Bactéries : des stratégies passées à la loupe
Comment une bactérie modifie-t-elle son ADN, sans mutation, pour mieux attaquer les plantes ? Comment une autre joue-t-elle sur sa croissance lente pour les tromper ? Exemples de recherches…
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Une équipe de chercheurs d’Inrae, Laboratoire des interactions plantes-microbes-environnement (LIPME), s’est penchée sur la bactérie phytopathogène Ralstonia pseudosolanacearum, organisme de quarantaine.
Responsable de la maladie du flétrissement bactérien sur différentes cultures, elle s’adapte à son environnement. Elle y arrive grâce à des modifications épigénétiques*, et non seulement par des mutations génétiques classiques.
Les mutations génétiques ne suffisent pas
L’adaptation des êtres vivants s’explique généralement par des mutations génétiques bénéfiques qui sont transmises de génération en génération. Cependant, ces dernières ne suffisent pas toujours à expliquer pleinement l’adaptation. En effet, plusieurs études scientifiques rapportent l’existence d’un héritage non génétique (ou épigénétique) entre générations qui peut permettre l’adaptation à de nouveaux environnements.
Cette étude est la première à montrer un lien direct entre les variations épigénétiques et l’adaptation bactérienne à un nouvel environnement. Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives en phytopathologie sur les mécanismes d’adaptation des agents pathogènes, afin de mieux prédire les risques d’émergence de maladies sur de nouvelles plantes ou dans de nouveaux territoires.
S’adapter à ses plantes hôtes en affectant un gène important
Ralstonia pseudosolanacearum, bactérie du sol, provoque de sérieux dégâts à la fois dans les champs (tels ceux de pommes de terre) et sous serres (tomates), et provoque la maladie du flétrissement bactérien sur plus de 250 espèces végétales.
L’équipe de recherche a ainsi étudié comment la bactérie s’adapte à de nouvelles plantes en modifiant son ADN, sans pour cela changer sa séquence génétique, grâce à la méthylation, une forme de modification épigénétique.
En utilisant une technique avancée de séquençage (SMRT-seq), ils ont étudié la méthylation de l’ADN de la bactérie et découvert l’apparition de 50 modifications dans l’ADN de bactéries maintenues pendant 300 générations dans cinq plantes différentes.
L’un de ces changements aide la bactérie à mieux s’adapter à ses plantes hôtes en affectant un gène important, le gène epsR, connu pour moduler la production de polysaccharides extracellulaires essentiels pour la virulence de la bactérie.
Ils ont également montré que ces changements dans l’ADN peuvent se produire rapidement et rester stables sur plusieurs générations, même lorsque R. pseudosolanacearum n’est plus en contact avec le végétal.
Autre bactérie, autre stratégie
Xylella fastidiosa est une bactérie à l’origine de nombreuses maladies affectant les plantes, très préoccupante pour l’agriculture européenne. Une collaboration nouée entre le LIPME d’Inrae-CNRS Occitanie-Toulouse (31) et l’Institut de recherche en horticulture et semences d’Inrae à Angers-Pays de la Loire (49) a étudié son réseau métabolique** en recourant à des outils de la biologie des systèmes et de modélisation.
Sa croissance lente complique son diagnostic chez les plantes et son étude en laboratoire. Il semble que cette croissance fastidieuse résulte d’une évolution de cet agent pathogène, qui lui permet certainement d’échapper aux mécanismes de détection et de défense des végétaux. Stratégie qui semble gagnante, au regard de la dissémination croissante de Xylella fastidiosa dans le monde.
Pour ces travaux, plusieurs gènes ont été étudiés. Les scientifiques veulent mieux comprendre de quelle façon cette croissance lente joue sur la dissémination de la bactérie dans les plantes hôtes. Autant d’avancées nécessaires pour mieux lutter contre elle.
*Ces résultats de recherche ont été publiés dans la revue PLOS Biology le 20 septembre 2024.
**Ces travaux sont parus dans la revue mSystems de l’American Society for Microbiology Journals.
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